ADIEU GASTON !

M�me si on doit s�attendre � dispara�tre un jour, la mort de quiconque nous surprendra toujours. �'a �t� le cas avec l�annonce, hier, du d�c�s de Gaston L�Heureux, que j�ai eu l�occasion de c�toyer � plusieurs reprises, alors que j�organisais de nombreux concerts classiques. C��tait le temps o� il animait le talk-show ��L�heure G�� � l�antenne de la t�l�vision de Radio-Canada. Il avait accueilli alors un de mes prot�g�s, le pianiste Jean-Alexandre Sarrazin. Et moi-m�me, j�avais �t� interview� par lui � T�l�vision Quatre-Saisons, o� il se trouvait � la barre d�une �mission de fin de journ�e.

Et c�est sans compter toutes les rencontres fortuites dans des studios, loges ou d�tours de corridors. C��tait toujours le m�me homme affable, d�une grande courtoisie. Il ne se prenait jamais pour qui que ce soit d�autre. Alors que maintenant, d�s que quelqu�un a fait deux t�l�s et deux ��front�� de magazines, il faut passer par l�agent. Non, ce n��tait pas la tasse de th� de L�Heureux, qui �tait la chaleur m�me. Ce qui ne l�emp�chait pas d��tre ombrageux.

SON LOT DE SOUCIS

En priv�, il en racontait long sur les administrations des m�dias. Et on rigolait ferme devant tant d�absurdit�s. Comme avec l��chec de son jeu questionnaire ��La paire d�As��, o� il disait avec ironie que pour comprendre le jeu, il fallait avoir lu le guide explicatif de 200 pages. Et c��tait vrai. Puis, une grande partie de sa vie a �t� hypoth�qu�e par le diab�te, qui avait frapp� plusieurs membres de sa famille. Il trouvait que c��tait une maladie vicieuse qui vous taraudait tout le temps. En 1997, il confiait � Marc Aras, de la fondation Diab�te Qu�bec�:

� On a tendance � �tre susceptibles, moins endurants. Ma compagne pourrait le dire, j'ai �t� au bord de la d�tresse physique. Me lever le matin et ne pas �tre capable de trouver une chose objective. Je trouvais toujours un argument pour trouver que tout �tait � plate �. �'a dur� trois ans, avant que j'en arrive � ce point limite. � ce moment-l�, je vivais des moments difficiles au plan professionnel, un d�sint�r�t pour la carri�re, un divorce, des difficult�s financi�res, une nouvelle vie amoureuse �.

L'ACCIDENT FATAL

Au diab�te s�ajoute ce grand drame routier. Le 3 mars 2007, il se rend � Qu�bec pour un engagement professionnel. Il est sept heures du matin. L�Heureux a toujours �t� un bon conducteur. Mais ce matin-l�, la chauss�e est glissante et il perdra le contr�le du volant. Sa voiture fera six tonneaux. Il en sortira paralys� et confin� � une chaise roulante. Il aura de nombreux exercices de r��ducation � s�imposer, afin de retrouver l��locution convenable et un minimum d�autonomie. Et lui pour qui chaque journ�e �tait un pensez-y bien, adopte, du jour au lendemain, le l�cher prise. Tout devenait sujet � farces. Quand on lui demandait s�il allait bien, faisant r�f�rence � sa chaise roulante il disait : ���a roule��. Et il en profitait pour taquiner ces dames comme toujours.

D�BUTS AU SOLEIL

Gaston L�Heureux voit le jour en 1943 � Qu�bec. Il va commencer sa carri�re dans les communications � 19 ans, en entrant au quotidien Le Soleil. Il n�avait m�me pas termin� ses �tudes. Cet autodidacte deviendra par la suite un ma�tre de la communication, appuy� par une solide culture g�n�rale. C��tait dans les ann�es soixante. Dix ans plus tard, il anime sa premi�re �mission t�l�, ��Au masculin��, qui prenait la rel�ve des fameux Couche-Tard des Baulu et Normand. Il allait chausser de grosses pointures. Mais il s�en est sorti avec brio.

Et dans les ann�es soixante-dix et pour quatre ans il coanimera, avec Guy Boucher, ��Les Coqueluches��, l��mission favorite du cardinal L�ger, qui adorait y faire un tour. L��mission du midi avait de gros auditoires et succ�dait � Allo Boubou de Jacques Boulanger. Encore une fois, toujours de gros d�fis que L�Heureux relevait sans peine. Et une autre de ses �missions culte �tait ��Avis de recherche��. � partir d�une photo de classe, les recherchistes de l��mission retra�aient d�anciennes connaissances de jeunesse de l�invit� de la semaine. Et un passage remarqu� fut celui de Ren� L�vesque, que l�animateur tenait en haute estime.

Et sur un plan personnel, qu�est-ce que je dois � cette derni�re �mission, alors que je faisais de la recherche pour la pr�paration de ce qu�on appelle des ��viandes froides��, ces reportages qui sont des notices n�crologiques. � Radio-Canada on les faisaient � l�avance, pour ne pas �tre pris au d�pourvu. Et comme pour les personnalit�s qu�b�coises on manquait de ressources, cette �mission devenait une mine de renseignements. Une fin de vie a toujours quelque chose de triste, mais je suis rassur� par le fait qu�il trouve maintenant le repos bien m�rit�. C�est un gentleman qui n�est plus.