Vendredi, 27 juin 2014

LES CINÉMAS GUZZO : 40 ANS DE TÉNACITÉ

la reussite
Photos: Pierre Y. Pelletier

«Toujours la dernière année qui est la plus dure », lance tout de go Vincenzo Guzzo, vice-président exécutif des cinémas du même nom. La télé, ce n’était plus une compétition. Mais depuis 10 ans, elle s’est renouvelée, avec les shows réalité. Ils redeviennent des compétiteurs».

 

Si les cinémas Guzzo, devenus en cours de route des Méga-Plex, connaissent autant de succès, c’est grâce à la ténacité, à la vision de la famille Guzzo, qui a toujours su, depuis son implantation au Québec, naviguer avec les goûts du public et se renouveler sans cesse. En quatre décennies, depuis ses débuts en 1974, les Cinémas Guzzo font partie du paysage artistique dans la grande région de Montréal. Et sur la couronne nord comme sur la Rive-Sud.



Les Guzzo sont constamment à l’affût de toutes les technologies nouvelles, des gadgets, des innovations de tournage, des nouvelles comme des anciennes gloires hollywoodiennes. Rien de ce qui est cinéma ne leur est étranger. Et si le public a délaissé les cinémas au cours de la dernière décennie, ce n’est pas le cas des Méga-Plex, qui se sont mutés en véritables centres de divertissement, sertis de gadgets de tout acabit, en plus de se vouloir des centres de loisirs complets où l’on peut se restaurer et se divertir en famille.


 
UNE ENTREPRISE FAMILIALE
 
Il y a 40 ans, le père de Vincenzo, Angelo Guzzo, qui se prélasse présentement en Italie, son pays d’origine, démarrait l’entreprise familiale. Il avait de l’ambition, certes, et du caractère, mais surtout une vision d’avenir qui ne s’est jamais démentie depuis. Le fondateur de l’entreprise a su mater les difficultés inhérentes à celle-ci, aller au-devant de la concurrence. Aujourd’hui, Vincenzo dirige avec la même passion que son père, prononce des conférences un peu partout au Canada, et il est devenu un pilier indispensable qui a hérité de la passion et de la fébrilité qui anime son paternel.



Nous l’avons rencontré dans son bureau, à son siège social, au Méga-Plex Terrebonne. Mais le plus imposant, c’est celui du Marché Central, avec ses 18 salles. Mais c’est le Cinéma des Sources qui fut le tout premier à inaugurer l’ère des centres de divertissement Guzzo. Il fallait alors contrer les hausses des prix d’admission. Aussi intéresser une nouvelle clientèle, faire face aux nouveaux défis, attirer les jeunes, accroître les dépenses des clients, parce que les entrées au cinéma ne couvraient même plus les frais d’exploitation.



LA GRANDE FÊTE EN BLANC

Cette année, les Guzzo célébreront le 40e anniversaire de fondation des cinémas par une grande Fête en Blanc.



« Sous la présidence de Jean Chrétien et de sa femme Aline, le 3 septembre, je vais inviter 450 convives à ma résidence de Lachenais. Je vais installer un grand chapiteau sur les tennis, à 700 et 1 000 $ du billet, afin de souligner le 40e anniversaire des Cinémas Guzzo. Je veux verser 350 000 $ à divers organismes, dont l’hôpital Juif, l’hôpital Général pour enfants et divers autres organismes C’est une façon de redonner au public. L’an dernier, la fête avait pour président d’honneur le patron des cinémas IMAX, et l’année précédente, le président de la Scuderia... »



Papa Angelo, 68 ans, sera évidemment de la fête. Maman Guzzo s’est retirée, mais elle aussi a fait partie de l’équipe et fut une gestionnaire de premier plan.



« Je fais tous les discours depuis 1971 », lance Vincenzo. Et des discours, il en prononce souvent, parce que le cinéma est en constante ébullition, en mouvance. Et le clan Guzzo, dans ses 10 Méga-Plex, compte 142 salles. En quelque sorte un géant sur lequel il faut compter.
 


UN HYPERACTIF

 
À son siège social où il nous reçoit, Vincenzo Guzzo ne tient pas en place. Le téléphone sonne sans arrêt. Sur son fauteuil de manitou, le voici entouré d’une panoplie d’objets hétéroclites, tous reliés au cinéma.



Outre les écrans plasma avec lesquels il peut suivre l’actualité et même toutes les grandes entrevues accordées par les stars internationales, son bureau recèle suffisamment d’éléments de valeur et d’intérêt pour en faire un musée Guzzo.



Une photo de Daniel Craig, l’acteur britannique du Casino Royale, un James Bond qui a renouvelé le genre. Depuis, Craig a joué dans deux autres James Bond et son contrat se veut valide pour cinq. Aussi des photos de la famille, de sa femme, une statuette hollywoodienne, un Oscar qu’il tient fièrement dans sa main, et d’autres écrans multiples, un Batman miniature, un Milou, le chien de Tintin, tout blanc en peluche et très réaliste, des affiches de cinéma de tout acabit, une photo de William L. Mackenzie King, un grand chef libéral, un Bouddha de cinéma, des affiches, des trophées, une véritable caverne d’Ali Baba aux multiples trésors.



Évidemment qu’un tel passionné de cinéma et de Ferrari, comme tout Italien d’origine, s’entoure de fétiches qui le touchent, l’ennoblissent, ceux qui meublent son univers. Le cinéma il en mange, il en vit. C’est sa véritable passion. Qui l’en blâmerait?


 
SIX MILLIONS DE SPECTATEURS
 
En crise, le cinéma? « Les Cinémas Méga-Plex Guzzo attirent de cinq à six millions de spectateurs, dont 50 % ont 18 ans et moins, lance Vincenzo. Et 30 % ont moins de 35 ans ». Ne restent plus que 20 % pour les autres strates d’âge, les plus de 35 ans! Le but, c’est évidemment de s’adapter au marché, d’intéresser la clientèle la plus active, celle qui bouge, qui dépense, qui intéresse les commanditaires, les annonceurs. Amener au cinéma les parents avec leurs enfants. Et les jeunes de moins de 25 ans fréquentent les salles de cinéma de deux à trois fois par semaine, c’est donc un public à ne pas négliger.



« 60 % de nos films sont présentés en français, 40 % en anglais, déclare M. Guzzo. À Terrebonne, on se plaignait du trop petit nombre de films en anglais, tandis qu’à Ville Saint-Laurent, c’était le phénomène contraire dans nos cinémas. Les gens voulaient voir plus de films en français ».



Difficile de contenter tout le monde et son père, mais force est de constater les films français, italiens et autres ne trouvent guère preneurs dans les Cinémas Guzzo. Les films américains ont pris la pôle.


 
DES FILMS AMÉRICAINS
 
« 95 % de nos films sont américains! Pas le genre de films pour l’âge d’or. Des films d’action! »



Pourtant, il y a eu de grandes vagues de films italiens extraordinaires, puis de films français, mais seuls les Américains investissent 100 millions, voire 200 millions de dollars dans de grandes productions à déploiement.



Et les films québécois? « On les projette dans nos salles aussi longtemps que le public y accourt! On leur donne toutes les chances voulues! »



Le médium est le message. Vincenzo Guzzo ne se gêne pas pour dire que le cinéma québécois doit cesser de se marginaliser. Il doit divertir, amuser, faire rire. « Le public vient au cinéma pour se divertir, pas pour se casser la tête! Il faut prendre en considération ce que les spectateurs veulent voir. Il ne faut pas faire de notre cinéma un cinéma d’éducation. Les Québécois n’aiment pas les sermons », déclarait-il récemment devant la tribune du Cercle canadien de Montréal.



Vincenzo Guzzo a fait des études en économie et en statistique, de sorte que la baisse de fréquentation des cinémas au Québec lui apparaît comme un phénomène nettement marginal, surtout, faisait-il remarquer, que la fréquentation a augmenté de plus de 5 % dans le reste du Canada et même aux États-Unis.

« Je veux voir des films avec une histoire qui me fait rire ou me fait pleurer, qui me donne espoir, qui me fait croire en quelque chose. Souvent, je ne comprends pas. Ça parle de suicide... »



Pas de quoi attirer des foules! Il demande aux cinéastes québécois de nous donner le genre de films qu’on a pu voir de 2002 à 2007, alors que le cinéma québécois fleurissait, faisait parler partout, et que 500 000 personnes ont le goût de voir et d’en parler.

Il regrette de constater que si les films québécois généraient 20 % du chiffre d’affaires des Cinémas Guzzo il y a 10 ans, aujourd’hui, c’est à peine 3 ou 4 %. Toute une dérive!



« Ils ont commencé à faire des films sombres, déplore Vincenzo. Des films que le monde n’aime pas. Les gens vont au cinéma pour se distraire. L’idée, c’est de faire des scénarios qui plaisent. Ce genre de films nous nuit beaucoup. Les gens pensent que tout le reste n’est pas non plus intéressant. On les met là, mais ils ne se vendent pas. J’ai donné une idée de film à Sugar Sammy. C’est un bon exemple, lui qui a acheté son propre show et est devenu son propre producteur. Un exemple à retenir.



Moi, j’aimerais que Sammy prenne des extraits de son émission de télé, les meilleurs, et en fasse un film. Disons les meilleurs extraits de ses 15 premières émissions, et il en ferait un long métrage. Avec des changements, des ajustements. En tout cas, ça ferait rire. »
 
ET LE GALA JUTRA ?
 
« L’idée est très simple, un gala est là pour reconnaître les artisans mais surtout, pour faire un spectacle et donner le goût au public d’aller au cinéma. Je n’y vois rien que du bla-bla! C’est pas ça. Faudrait s’en occuper un peu plus! »


Il assure diffuser tous les films québécois auxquels les distributeurs lui donnent accès, même ceux qu’il n’apprécie guère.



« La baisse de fréquentation survient alors que des investissements majeurs doivent être faits par leurs exploitants. Le numérique, déclare-t-il, les projecteurs, ça m’a coûté 11 millions et ça m’a rien rapporté! Ça va me faire mal pendant les 5 à 10 prochaines années... »

Les Cinémas Guzzo investissent aussi dans des écrans géants IMAX qui présentent des films et des documentaires.



« Dans nos cinémas, on a même des écrans de 60 à 78 pieds! »

Évidemment qu’il n’y a rien de tel dans les maisons privées. Les 10 Cinémas Guzzo, avec leurs 142 écrans, comptent 8 IMAX et 35 000 places.



Le cinéma québécois retrouvera-t-il son public? Avec un nouveau venu comme Xavier Dolan qui va cueillir des grands prix à l’étranger avec son film Mommy, pourquoi pas.

Voici que Québec Cinéma lance sa campagne de promotion qui passe par la diffusion de trois courts-métrages, dont les dialogues sont constitués de titres de films d’ici et par quatre affiches selon le principe du cadavre exquis. L’objectif visé : mettre en valeur la diversité et la richesse de notre cinéma, selon Ségolène Roederer, directrice générale de Québec Cinéma, l’organisme responsable du gala des Jutra.



Ségolène Roederer, directrice générale de Québec Cinéma.


Un jalon, un premier pas dans la bonne voie. Mais nul doute que M. Guzzo a raison quand il déclare qu’il faut faire des films pour le grand public! Il faut que les jeunes se reconnaissent dans les longs métrages, qu’ils y trouvent matière à rire ou à pleurer. Pas un cours de philosophie!



Il faut donc un gala distrayant, comique, capable de dérider l’assistance et de lui donner le goût d’aller au cinéma, de voir les films de nos réalisateurs, un popcorn à la main et un soda dans l’autre. Notre cinéma doit nous divertir pour retrouver son public.
 
SES GOÛTS !
 
Féru de cinéma, Vincenzo Guzzo est-il un bon cinéphile? Quels sont ses films favoris? «Mes films préférés : Gladiateur, évoque-t-il. Le Parrain et la série ou encore What Women Want, sans oublier PS I Love You.



Excellent choix, sans doute, mais surtout des films grand public, des films que l’on peut revoir sans ennui, des dialogues qui nous prennent aux tripes. Et de l’action!

D’ailleurs, les grands films, aux États-Unis, sont souvent l’œuvre de maints scripteurs. Et de dialoguistes chevronnés. Rare qu’un seul scripteur accouche d’un film américain, de nos jours. Faudrait sans doute que les films québécois adoptent la recette qui fait merveille ailleurs. Merveilleux que nos films fassent les grands festivals. Mais au départ, ils doivent surtout intéresser les Québécois, leur donner le goût d’applaudir leurs artistes. Et nous permettre de rêver, de nous éblouir, d’explorer voir de nouveaux horizons et nous dérider.



On a eu de grands films au Québec. Que ce soit La grande séduction ou Le Déclin de l’empire américain que l’on revoit toujours avec plaisir. Il y a aussi C.R.A.Z.Y ou Les invasions barbares qui ont drainé des foules. Même La guerre des tuques en a déridé des centaines de milliers. Et le film était présenté dans les collèges, les couvents, les salles paroissiales.



Ça donnait le goût d’aller voir ensuite des longs métrages dans de grands  cinémas, comme ceux que nous offrent maintenant les Méga-Plex Guzzo. Qu’on s’inspire du passé!

Un film comme Rebelle, qui a pourtant récolté des honneurs internationaux, n’avait été vu en salle au Québec, il y a deux mois, que par 16 667 Québécois, selon filmsquebec.com. C’est désastreux! Pas de cette manière que le cinéma québécois fera ses frais et qu’on va remplir les salles.
 
L’ÉVOLUTION DU MARCHÉ
 
Ce qui importe désormais pour Vincenzo Guzzo, c’est de suivre l’évolution du marché et continuer à progresser. Il se fait discret sur les projets d’expansion. Ce sera dans le Grand Montréal, dans les banlieues environnantes. Certes, il n’y a pas de cinémas Guzzo à Québec, mais nul doute qu’il y a encore de la place pour de l’expansion dans le marché montréalais et en périphérie. L’excellence en affaires des Cinémas Guzzo leur permet d’envisager l’avenir avec sérénité. Son public jouit d’un programme de fidélisation. Et la fréquentation des salles, ça crée de l’emploi.


 
EN AVANT
 
Et la famille Guzzo ne se réfugie pas derrière un nom fictif, une identité corporative. Bien au contraire, elle affiche fièrement ses couleurs, et ne se cache pas pour dire que ses films ne sont pas toujours adéquats pour l’âge d’or, sinon pour ceux qui sont restés jeunes de cœur et d’esprit.

Son marché, c’est les ados et les jeunes familles. Et chaque cinéma a son identité propre, ses comptoirs de friandises, des arcades, ces aires ultramodernes de jeux et de détente. Les sites Web des Cinémas Guzzo ont été créés en fonction des différents groupes d’âge qui fréquentent ses salles.


 
CONFÉRENCIER
 
Vincenzo Guzzo a aussi l’intention de continuer à présenter des conférences, à intéresser le public, à l’informer, même si ses opinions vont parfois à rebrousse-poil des idées reçues de l’industrie!



Mais les Guzzo ont fait leurs preuves. En témoignent notamment le Méga-Plex du Marché Central 18, avec ses nombreuses salles, ouvert en 2005, aussi le Méga-Plex Taschereau 18, à Greenfield Park, et Pont-Viau 16, à Laval, Spheretech 14, à Saint-Laurent, le Centre Jacques-Cartier 14, à Longueuil, et évidemment Terrebonne 14, le siège social.

Il en fallait de l’audace et de la volonté pour foncer, risquer l’aventure, à une époque où l’on disait que la télé allait tuer le cinéma. Au contraire, le cinéma se porte mieux que jamais, un peu partout dans le monde, mais surtout aux États-Unis, où les films d’action pullulent! Et les Cinémas Guzzo se donnent la mission de continuer à faire rayonner le cinéma, celui de Hollywood, va sans dire, et celui du Québec. À nous de lui donner raison!



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